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Diana

"Accordez à mon cœur, oui, mon cœur languissent/

Un geste d'espérance, un tendre sentiment."

DIANA,

TRAGEDIE.

PAR MONSIEUR

WALTER AMIRANTE

POETE ITALIEN

 

 

 

 

​

Bruxelles

Année de composition: MM. XX. III

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AVERTISSEMENT

SUR DIANA

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Celle de Diana est sans doute une grande figure mais qui, en même temps, n’est pas capable d’être muse inspiratrice des artistes, ou alors elle a beaucoup de mal à la devenir. Pourquoi ? Parce que Diana représente le vide. Pour un artiste sombrer dans le vide, qui est chargé de désespoir et d’abîme, sans savoir remonter à la surface, est dangereux. 

​

J’ai toujours regardé la princesse de Galles avec hostilité, pensant qu’elle était un personnage inutile, sans qualité ou une âme en peine. Tout cela a duré longtemps, jusqu’à ce que je réalise qu’elle était l’incarnation de ce vide, et donc d’une douleur profonde et tragique. Je décidai donc d’explorer son monde, son abysse, et de résoudre son existence sur le plan poétique.

​

Elle s’est donc révélée à mes yeux une immense figure historique, capable de rivaliser avec les grands personnages de la tragédie, de Médée à Phèdre, de Clytemnestre à Jocaste ou Desdémone ; par conséquent j’ai choisi d’écrire une tragédie en vers alexandrins, car comme le dit Horace : singula quaeque locum teneant sortita decentem.

 

Mais ce n’est pas seulement une question de style, le choix de la versification est aussi symbolique : la souffrance de Diana, emprisonnée dans la morale hypocrite de la famille royale, et dans les devoirs froids imposés par la monarchie, ici, devient une souffrance emprisonnée dans la structure métrique et les règles du vers.

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J’ai finalement essayé, malgré la rhétorique naturelle qui vient et du style de la tragédie (ce qui ne me dérange pas de toute façon) et des compromis nécessaires dus à la versification, d’introduire, étant moi-même italien, l’élément du vérisme et de la passion extrême. J’ose donc espérer, cher lecteur, que cet ouvrage trouvera votre aimable faveur, car j’ai l’honneur d’être, avec un profond respect, de votre personne le très-humble et très-obéissant serviteur,

​

Walter Amirante

poète italian

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ACTEURS.

 

DIANA, Princesse de Galles.

CHARLES, Prince héritier.

ELISABETH, Reine du Royaume-Uni.

PHILIP, Prince consort.

CAMILLA, Future duchesse de Cornouailles.

 

Archevêque de Cantorbéry, sujets, prêtres, prêtresses, ministres, officiants, chœur, orchestre.

 

 

La scène est au Palais de Kensington.

 

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DIANA,

TRAGEDIE.

 

ACTE UNIQUE.

 

SCENE PREMIERE

DIANA, CHARLES

 

DIANA

(en se regardant dans un miroir)

« Je vois la mer qui frappe à mes délicieux traits

Je vois bien son regard qui sublime un regret.

Voila l'esprit tomber en des lieux des chagrins

Et un joug méprisant à jamais mes besoins.

Voilà les ennemis et le courroux du monde

Sans pouvoir rien changer car le fleur est bien sombre.

Il faudra trop pleurer un soupir éternel,

Il faudra trop chanter la peine maternelle… »*

 

CHARLES

Dis-moi, pourquoi ces mots sont-ils tristes, affreux ?

Je ressens un malheur profond et dangereux.

 

DIANA

Qu’aurais-je à dire enfin ? Je t’ai donné mon cœur

J’ai obtenu en retour un délit sans pudeur.

Le destin qui m’accable est fortement acquis

Une sentiment noyée depuis toujours soumis ;

Enfin mon malheur c'est toi, c’est toi que je déteste,

Je suis la rejetée, la fille qui proteste.

 

CHARLES

Écoute ton devoir, sers pour toujours le trône ;

Ton corps fécond, sacré, accomplissait bien le rôle ;

Ah je savais déjà de ta vertu sinistre

Il ne s'agissait point d’un amour féministe.

Réveille-toi enfin ma chère, avecques tant de non-sens

Car tu as ainsi donné la suprême naissance.*

Maintenant attiédis les esprits de fureurs.

 

DIANA

Ô c’est facile à dire et tu n’as point douleur…

Mon cœur est malheureux, immodeste, affligé*

Jamais je ne pourrais ainsi rivaliser.*

 

CHARLES

Enfin toujours tu sors la même comédie,

Cherche des mots bien calmes, cherche un compromis.

 

DIANA

Mon espoir est la fuite ou la mort dans tes bras :

Je t’aime mon amour, et ça ne guérira.

 

CHARLES

Mais enfin ça suffit, arreste ton ardeur ;*

Mais tu crois franchement que je suis ton sauveur ?

Dans un monde de rêve...

 

DIANA

(en l’interrompant)

                                             … aurais-tu été un bon prince

Un vrai, un homme gentil, capable d’amour tendre ?

(comme si elle prenait conscience de sa condition pour la première fois)

Moi je ne vivrai pas comme un si vile objet

Une bête farouche et sans cesse abusée.

Je plonge dans l’image et la mort de moi-même

Je plonge dans le sang de ma vertu inhumaine ;

Désespérée, épuisée, mes larmes silencieuses

Crieront pour toujours la réclusion honteuse.

 

CHARLES

Tu dis n’emporte quoi et je hais ta faiblesse

Tu parles trop et mal, Dieu, n’es-tu une princesse ?

Depuis bien trop longtemps tes délires ignobles

Enfoncent notre foi dans un état non sobre.

Tes troubles infamants empesteront mes buts,

Blesseront le crédit d’un grand seigneur connu.

 

DIANA

C’est ça que tu regardes ? Les images apprêts ?

Et serait-ce plus clair si je disparaissais ?

 

CHARLES

Je m’en vais, il est tard.

 

DIANA

                                               Quoi ! Mais quelle insolence…

Tu me dégoûtes fort ainsi que ta présence !

 

CHARLES

Laisse-moi et vis ta vie ; tu ne fais un effort

Pour saisir un atout, pour sauver ton consort.

 

DIANA

Pourquoi tu sors la nuit comme un triste voleur ?

Tu ne trouves tentants ma bouche, mes faveurs ?

Grand Dieu, je l’avouerai : elle est meilleure que moi,

Elle a la liberté : en plus elle a eu le choix.

 

CHARLES

Tu n’as jamais connu le véritable amour,

La flamme, le bonheur et les charmants séjours.

Je le dis de nouveau ton esprit est funeste

Car chaque jour de toi vient le récit dantesque.

Contente-toi du monde à tes délicieux pieds,

Allez, tu auras le droit d'aider la royauté.

 

DIANA

Il fallut me tromper ? Ce sont ça tes exploits ?

Et tu m’aimes toujours ? Jure-le sur ma foi !

 

CHARLES

Or qu’est-ce que l’amour ? Plonger dans l’ambigu ?

Nul ne comprend, et toi ?... Franchement toi non plus.

Si tu m’aimais vraiment tu pourrais me défendre,

Nous aurions pu trouver un lieu pour nous entendre.

Nous sommes tous coincés dans de vieilles valeurs

Profitons de tout ça sans en faire un malheur.

(il sort)

 

DIANA

J’étouffai mon désire et pour Charles je tremble ;

De tout mon cœur j’ai cru à une belle vie ensemble…

 

​

*Je vois... maternelle : citation de mon Chant de Rimbaud

* Suprême naissance : William de Galles

* Immodeste : orgueilleux

* Arreste : arrête ; le s doit être prononcé (arreste)

* Jamais… rivaliser : avec Camilla.

​

​

SCENE II

DIANA, ELISABETH, PHILIP

 

DIANA

Dieu ! Ma glorieuse reine ! Ô quelle immense grâce !

Ah ! Libérez ma vie de mon destin vorace ;

Vous êtes une amie une mère affectueuse

La lumière du jour ainsi que la vertueuse.

Ciel ! J’ai besoin de vous.

 

ÉLISABETH

                                           Enfin il faut qu’on parle ;

Du récit, du chagrin, de toi, chérie, et de Charles.

Ton attitude blesse à nos fameux prestiges

Et nul s’attaquera aujourd’hui aux vestiges.

Oui, notre monarchie vit un temps d’impuissance

Un temps mortel, fatal d’une dureté immense.

On est en guerre et toi tu crois que c’est un jeu,

Tu nous mépriseras et ça c'est scandaleux.

Nous sommes accusés d’être privilégiés,

Ce monde frémissant voudrait nous disperser.

Quel calvaire et malheur pour la reine propice…

Pourquoi nous enfoncer dans un si noir abysse ?

Ô j’ai toujours été complaisante avec toi,

Et le crédit tu abîmeras de cet endroit ?

 

PHILIP

Ecoute-moi Diana : crois-tu qu’une madame

Puisse aussi devenir une triste vandale ?

Une fière princesse à la Grande-Bretagne

Doit peut-être sauver sa dignité, son âme…

 

ÉLISABETH

(avec une voix glaciale)

J’ai subi tes regards, autant que tes angoisses,

Et malgré mes soupçons dis-moi, qui te menace?

Il faut se préparer …

 

PHILIP

(en interrompant la reine, et mettant ses mains sur ses épaules)

                                      Nous aimons la nature

L’harmonie et la paix, la gracieuse mesure.

La famille autrefois a subi un attentat :

Nous avons trop souffert en touchant le trépas.

 

DIANA

Mais qu’entends-je ? Mon Dieu, je me suis immolée

Et mon cœur arraché cherchant une amitié

Ne veut point écouter le désespoir, la mort…

Je sonde un lieu serein, un faible réconfort…

Accordez à mon cœur, oui, mon cœur languissant

Un geste d’espérance, un tendre sentiment.

 

PHILIP

Oui mais ce qu’on veut dire…

 

ÉLISABETH

                                                  Ô tu es une égoïste

C’est ça, tes sentiments sont dignes de Jocaste ;

Or tu n’es qu’un danger pour nous, on en a assez

De toi, de tes amours, de ta vie dépassée.

Or notre priorité est de ne pas écouler

Dans les affreux climats : la majesté violée.

Or chez toi tu es le roi, mais chez nous tu n’es rien.

Eh bien, nous condamnons vos actions souterraines…

 

 

DIANA

Car je suis négligeable et un être ordinaire…

(presque en raillant)

Une femme élevée pour la tâche unitaire ;

Le devoir… le devoir afin de le servir…

Mais moi je ne le puis !

 

ÉLISABETH

                                            Tu cherches le plaisir.

 

PHILIP

Ah, nul ne veut briser un être généreux,

Mais notre patrie vit des instants ténébreux

Et nous devons sans cesse endurcir notre cœur…

 

ÉLISABETH

Malgré toi nous devons affermir nos vigueurs.

 

DIANA

Vous savez qu’on est trois en ce joyeux hymen ?

Et comment puis-je vivre en cet affreux domaine ?

 

PHILIP

On peut toujours trouver une issue, obéir

Aux lois de la morale et ôter le désir.

 

ÉLISABETH

Eh quoi ! ce ne sont point nos affaires primaires

Cesse avec tes pleurs d’un monde imaginaire.

 

DIANA

Ô vous lui passez tout à cet homme arrogant,

Et dédaigneux de moi, de mon sort expirant !

 

PHILIP

Il est né héritier du trône d’Angleterre.

 

DIANA

Mais vous savez très bien que sans du caractère

Votre nation vivra une quiétude flottante,

Et prête à s’effondrer deviendra une légende.

 

ÉLISABETH

Tu oses imaginer à l’égard de la reine

L’épouvantable chute en la valeur suprême ?*

Tout ça pour un mariage également sans amour ?

Va ! Que tu sois maudite ! Or jamais mon secours

Tu n’auras de moi, va !

 

PHILIP

(à Élisabeth)

                                      Ma chère…

 

DIANA

                                                           Ecoutez-moi !

J’ai besoin de donner une sanglante voix

À mes pleures, mes maux… Je ne veux pas mourir…

(désespérée)

J’ai besoin d’être aimée, mais pas de vous punir…

Je ne puis accepter une vie de mensonge.

Vous m’avez arraché mon âme, et votre annonce

Sans pitié affectera ma chère indépendance.

(en s'agenouillant)

J’étouffai mon honneur… et pour quelle indécence ?

(en pleurant)

Pourquoi une gentille reine est si tristement froide…

Si hostile et futile… une femme malade…

 

PHILIP

Diana retirez-vous, il ne faut plus parler.

Vous êtes fatiguée, une âme fort offensée

Qui doit penser au bien de ses petit enfants.

Vous êtes dans un jeu que j’estime étouffant.

 

Philippe et la reine sortent. Diana reste à terre.

 

​

* En : dans

​

​

SCENE III

CHARLES, CAMILLA

 

Dans un endroit isolé du palais.

 

CHARLES

Je déteste rester sans toi, sans ton regard ;

Cela fait un moment que tout est un départ.

 

CAMILLA

Nous sommes destinés à être ensemble à jamais

Nos cœurs ne pourront pas s’enfuir. Elle savait

Que nos nœuds éternels, indissolubles, chastes

Fondés sur la nature, oui ! ne sont pas néfastes.

 

CHARLES

Tous deux dans le bonheur l’amour nous conduira…

(Camilla détourne son regard)

Quoi ! Tu doutes de moi ?  Nul ne te trompera !

Quoi ! Tu l’as déjà dit… notre lien est sacré,

Camilla, je t’en prie, tu es fort idolâtrée.

Comme je voudrais vivre en toi, Dieu ! Je le veux !

Parle-moi, Camilla…

 

CAMILLA

                                     J’ai peur, c’est douloureux…

 

CHARLES

Ô ma chère ignorons les rages extravagantes

Notre seul beau dessein est la passion ardente.

Oublions l’obscurité horrible de ma femme

Qui veut toujours fléchir notre si belle flamme.

 

CAMILLA

Ô mon amour, mon cœur… mon cher, viens contre moi…

De mes rêves enchantés tu es la sublime voix.

Désormais ce désir soumet nos belles vies

Et jamais nous ne fuirons cette hérésie.

Je baise ton visage et de toi j'ai besoin,

Ah ! Que ta bouche enfin couvre mon précieux sein !

 

CHARLES

En cette nuit impure et complètement nus,

Nous nous consacrerons aux plaisirs bien perdus.

 

CAMILLA

Et mes lèvres seront, par ta noble puissance

Etouffées, et sur moi l’aimable rosée intense

Descendra et tout mon être, ah ! sera profané…

 

CHARLES

Grand Dieu, n’hésitons pas ! Je n’en ai point assez,

Ni de toi, ni de nous, le fol amour vaincra !

Outrage-moi, ma chère, avec ton sang, de droit…

Eh bien ! Atteint ce cœur fort aimant qui te tège !*

 

CAMILLA

Maintenant, je te veux, tu es mon grand sacrilège !

 

CHARLES

Attends, quelqu’un arrive…

 

CAMILLA

(pâle)

                                                Ah Dieu ! Folle imprudence !

(confuse)

Pourquoi suis-je venu ? Mais quelle pénitence

Nous accable à nous tous…

 

CHARLES

                                                  La sortie est là, écoute :

Suis mon valet de chambre avec soin, et sans doute

Je te verrai demain.

 

CAMILLA

                                           Jour de charme !

 

CHARLES

                                                                          Je t’aime.

 

CAMILLA

N’aie pas peur car demain je serai encore en veine…

 

 

​

* Tège: protège

​

​

SCENE IV

ÉLISABETH, PHILIP, CHARLES, DIANA, ARCHEVEQUE DE CANTORBERY, PRETRES, PRETRESSES, MINISTRES, SUJETS, CHŒUR, ORCHESTRE

 

La scène est à l’Abbaye de Westminster.

 

On fête le quarantième anniversaire de l’accession au trône d’Elisabeth. L’abbaye est imprégnée d’une lumière tamisée. Au centre de la scène se trouve le siège royal. Prêtres et prêtresses anglicans se tiennent en demi-cercle. En arrière-plan les sujets, en attente. Alors qu’une brève procession a lieu, l’orchestre joue la Musique pour les feux d’artifice royaux de Haendel. Quatre vierges vêtues de blanc, symbole de la pureté de la monarchie, défilent avec un flambeau allumé chacune. Puis suit Philippe escorté par deux prêtresses. Enfin la reine fait son entrée avec quatre pages qui lui tiennent le manteau. Derrière elle, protégés par des membres de la garde impériale, Charles et Diana. Élisabeth se place sur le trône, attendant de commémorer symboliquement le couronnement.

 

ARCHEVEQUE DE CANTERBORY

J’honore la maîtresse inflexible du monde ;

Épargnez vos sujets d’un regard assez sombre 

Et dites sincèrement : que cherchez-vous enfin ?

 

ÉLISABETH

Je suis l’Être sacré et j’achève le soin

De ma patrie, et l’éclat de mon puissant empire

Je veux pour moi et pour vous, peuples de l’avenir.

Oui, je suis le mystère et la clarté célèbre,

Un phare pour le gens, un abri pour les faibles.

 

ARCHEVEQUE DE CANTORBERY

Que nos esprits affreux soient toujours purifiés

Par ta dignité immense et ton nom soit crié !

 

Une petite fille, symbole de l'avenir, porte la couronne, qui est remise à l’archevêque de Canterbury et qui l’expose à l’assemblée ; ensuite il couronne la reine. Pendant tout ce temps, sujets et orchestre entonnent Zadok the Priest de Haendel.

 

ARCHEVEQUE DE CANTORBERY

Voilà donc le discours de notre grande reine, 

Écoutez la lumière, écoutez tous nous-mêmes.

 

ÉLISABETH

Eh bien je vous embrasse ô mes si chers amis,

Peuples toujours aimants de notre monarchie.

Je veux et je serai perpétuellement sincère

Avec vous, la patrie, et le monde outremer :

On est tous en danger et nos valeurs profondes

Sont partout abhorrées, mais comment y répondre ?

Est-il l’heure suprême ? Alors, que diriez-vous ?

Devrions-nous abdiquer ou tomber à genoux ?

Ô notre liberté est constamment attaquée…

Le Mal nous envahit et je veux vous sauver.

Oui, le Mal détruira notre admirable vie

Envieux des beaux esprits de l’Occident ravi,

Hélas, à tout moment essaie de nous châtier,

Mais rien en ce combat nous ne pourrons pargner.*

Or le danger n’est pas seulement extérieur,

Plus que tout le danger est en nous défendeur.

Voilà les sentiments des gros républicains !

Voilà l’effroi, les fléaux de ce bruit puritains !

Jamais Élisabeth ne cédera à l’erreur

D’éteindre son espoir, de flatter la terreur.

Ah ! On pourrait penser que le château brûlant

Est un signe funeste ou mon sort décadent…

C’est vrai, et j’ai prié pour le sort inouï ;

Peuples ! ne craignez point, jamais la tyrannie

Qui voudrait pervertir l’homme infortuné

Ne pourra l’emporter, ou bien, nous outrager.

J’ai même supporté l’humiliation ultime,

En me faisant payer des impôts inutiles…

Quoi ! On m’a pris le bateau ! Quoi ! On m’a saisi le rêve !*

Cette patrie heureuse est toujours menacée

J’ai un mauvais sentiment, je peux vous l’assurer.

Fatalité du ciel avoir aussi un chagrin :

Mes enfants éprouvés, mes fidèles gardiens.

Malheureuse ! Que Dieu puisse me libérer

Des cruelles volontés de l'homme conjuré.

 

Sujets, chœur, orchestre et orgue, entonnent God save the Queen.

​

​

​

* Pargner : épargner

* Ici le ton grotesque est voulu.

SCENE V

PHILIP, CHARLES

​

Dans la sacristie de Westminster.

 

PHILIP

Viens.

 

CHARLES

             Dis-moi, je t’écoute.

 

PHILIP

                                                    Or la voix intenable

De ta femme est un bruit vraiment abominable ;

 

CHARLES

Cette femme me gêne ; elle veut notre mort.

 

PHILIP

Alors nous agirons pour chercher un confort.

 

CHARLES

Je n’en suis atterré. Qu’est-ce que tu proposes ?

 

PHILIP

Hélas ! de mettre fin, si tu ne t’y opposes,

A ce cirque turpide et sur nous oppressant ;

Cherchons ce qui est juste, il n’y a pas d’innocents.

 

CHARLES

Dieu, quel est le dessein ? Et que veux-tu qu’on fasse ?

 

PHILIP

Ah, on aura le temps…

 

CHALRES

                                           Allez dis-le moi en face.

​

PHILIP

Il y a trop de monde ici, viens dans ma chambre ;

C’est à nous de frapper mais il faudra attendre.

Nous sommes obligés de fermement résoudre

Ce danger inclément et notre œuvre dissoudre.

 

 

SCENE VI

DIANA, CHARLES

 

La scène est au Palais de Kensington.

 

CHARLES

Ça ne te suffit pas ? Que veut-tu encore enfin ?

Parle ! 

 

DIANA

           Quoi ?

 

CHARLES

                             Oui Diana, cette lutte sans fin.

Ton bruit épouvantable envers nous rongera

En entier notre reine et la loi d’autrefois*,

Eh bien dévorera aussi ton hymen sacré,

Ta chère dynastie…

 

DIANA

                                  Arrête ! Je veux pleurer…

Tu n’écoutes jamais… chaque jour tu me tues ;

Cette fille fort pieuse et sans doute déçue

Privée de son honneur n’a plus la véhémence

De fièrement se battre et pousser la violence.

Ah ! J’ai craint pour ma vie qui est devenu un enfer,

Et tu auras mon sang sur tes mains insincères.

 

CHARLES

De quoi tu parles ?

 

DIANA

                                 Va ! Laisse-moi !

 

CHARLES

                                                                Tu es brutale    

Tu vis dans le délire en te faisant du mal.

 

DIANA

Oui je suis une folle et encore à vos yeux

J’agis injustement et mon esprit furieux

Voudrait bien se venger du tort, de votre mal !

Cependant je suis sûre, et pour vous c’est normal,

Que vous me traiteriez comme une brute atroce,

Ou un problème d’état… un élément féroce !

 

CHARLES

On demande une épouse et une femme altère 

Digne, intelligente et sur le devoir sévère.

Or en parlant ainsi je souffre et je te plains,

Mais il faut te soigner, tu ne peux point 

Continuer comme ça et bien je te le confesse…

 

DIANA

Ciel ! Ce courroux ancien qui m’accable sans cesse

Vient de toi, vient de vous, vient du monde hypocrite ;

Vous avez fait de moi une viciée, une proscrite !

 

CHARLES

Tu as une idée illusoire à l’égard de la vie.

 

DIANA

Notre si bel amour…

 

CHARLES

                                            Entre nous c’est fini.

 

DIANA

(avec une voix tremblante)

Qu’est-ce que tu as dit ? Répète-le… entre nous…

C’est quoi, c’est fini ? C’est ça ? Dieu… et surtout…

Charles, regarde-moi ! Pourquoi tu me fais ça ?

  

CHARLES

Écoute, c’est un fait.                           

 

DIANA

                                    Qui me protègera ?

Pourquoi, dis-moi, pourquoi…

 

CHARLES

                                                    J’ai l’accord de la reine.

 

DIANA

Qu’entends-je ? Accord ? Ta mère est obscène !

 

CHARLES

Calme-toi.

 

DIANA

                    Tu es un monstre… Et je suis épuisée…

Le conte est tristement fini… on m’a repoussée !

 

CHARLES

C’est ça.

 

DIANA          

                   Je ne veux pas… je ne supporte pas…

De divorcer… Personne… ne me sauvera…

 

CHARLES

Il le faut.

 

DIANA

                   Tout est fange… et… poussière… et cruauté…

Eh bien… va… laisse-moi…

 

CHARLES

                                                  C’est dur.  

 

DIANA

                                                                      On m’a vidée…

 

​

​

* Loi d'autrefois : loi morale, coutumes de la famille royale

​

 

SCENE VII

DIANA

 

DIANA

Je l’avouerai, j’ai peur de ce vide effrayant,

Le vide de ce cœur touché sévèrement…

Ces bourreaux, et la haine de cette famille

Épouvantable, ô ciel ! C’est un dessein stérile

En train de me détruire, en train de m’étouffer

Me forçant à chercher l’odieuse vérité :

(presque terrifiée)

Je déteste moi-même et je me hais peu importe…

Mon esprit veut la paix… Je ne suis pas assez forte…

Le jugement fatal est descendu sur moi…

Sur mon être, mon sort, je n’ai plus la foi.

Le mal du monde entier aveuglement détourne

Des traîtres son regard, largement me contourne…

Ah, il ne fallait point révéler les secrets,

Il ne fallait point vivre ou alors dans le palais

J’aurais dû me forcer à être une princesse

Pathétique et sans cœur parrainer la bassesse.

Mais le cruel désespoir ne sera point comblé

Par des liens affreux, des liens désolés.

(délirant)

Oui… je suis la grandeur… Je rendrai grands l’esprit…

J’abhorre ces murs… Entendras-tu mon cri ?

Grand Dieu !... J’ai embrassé… la cause, la justice…

C’est ça !... Non, non ! Je ne suis pas seule… Ah, supplice !

(saisissant une dague du tiroir)

Je suis aimée… Voici… Camilla dans le fer…

Je vois ton reflet !... Je ne te crains pas !... Regarde !…

(elle se poignarde dans l’estomac)

Ô l’espoir approche… Et vous trouverez… l’amour…

Ici… dans cet abîme… de pleurs… sans aide…

(elle cherche le canapé et s'y appuie)

Ou est ma maman… maman… Pourquoi… tu m’as laissée…

Seule… Ou suis-je déjà… J’ai peur… on m’a tuée…

Aux yeux des citoyens je n’aurai en vain vécu

« Je vous offre mon sang : n’exigez rien de plus ».*

(avec ses dernières forces, elle se lève)

Mais ce n’est pas le jour où vous verrez ma peine,

Regardez comment meurt une vraie et grande reine !

(Diana s'effondre sur le sol)

​

​

 

Fin de la septième et dernière scène.

​

​

​

De l’Œdipe de Voltaire.

​

​

​

​

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